Les secrets d’un bon pain - Episode 3, Farine et O
Pour ce troisième épisode de notre dossier « Les secrets d’un bon pain », nous sommes partis à la rencontre des deux boulangers de chez Farine & O, Olivier Magne et Florian Argoud, dans le 10ème arrondissement.
Le goût de la précision
Nichée entre une quincaillerie et un laboratoire médical en pleine rue du Faubourg Saint-Antoine, la discrète boulangerie Farine & O est portée par un duo atypique. Derrière ce nom qui nous rappelle par un jeu de mots les deux ingrédients phares de la recette du pain se cache Olivier Magne (M.O.F. catégorie boulangerie en 2015) et Florian Argoud, un ancien de la finance qui a décidé de troquer son amour des chiffres contre celui du pain. Cette passion commune a réuni les deux hommes autour de ce projet. Le fournil qui tourne à plein régime depuis maintenant six mois connait un vif succès. Leur crédo ? revenir à un pain rustique, artisanal qui ne manque pas de créativité pour autant. La boutique qui allie modernité et tradition avec un beau mur en pierre et un large plan de travail en chêne clair, en fait de même au travers de ses créations. C’est Florian Argoud qui nous reçoit et nous a fait part de ses secrets pour réaliser un bon pain façon Farine & O.
« Hésiter à prendre une farine de qualité ? C’est comme hésiter entre une Deux Chevaux ou une Ferrari pour faire une grande course »
Tous les pains de la boulangerie sont réalisés avec différentes farines des Moulins Bourgeois. « C’est un moulin de taille moyenne qui a très bonne réputation. Leurs farines sont d’excellente qualité et c’est primordial dans la recette du pain. » assure Florian qui compare l’utilisation de mauvaises farines de certains boulangers au choix fait entre « une deux chevaux ou une Ferrari » pour faire une grande course. La farine, ingrédient phare de la recette du pain n’a plus aucun secrets pour nos boulangers. Pour savoir si sa qualité est satisfaisante, Florian nous explique qu’elle doit « être stable, avoir un bon taux d’absorption, un goût fin et une bonne résistance dans le temps ». Au niveau du processus de fabrication, « tous les pains sont confectionnés la veille voire l’avant-veille pour certains d’entre eux ». Ils sont ensuite « cuits entre 5h et 8h du matin ». La tradition, standard de la boulangerie par excellence connait elle, un temps de cuisson plus long. « Comme on estime que nos clients doivent avoir un pain chaud à 19h, on pousse la cuisson jusqu’au soir contrairement aux autres pains. » C’est aussi une question de conservation, « la tradition résiste bien moins au temps que des grosses pièces à l’épeautre par exemple, qui sont hydratés à 100% ». Quand on dit d’un pain qu’il est hydraté à 100%, cela signifie que dans sa composition, il y a autant d’eau que le farine. Du coup, ils auront moins tendance à sécher et se conservent plus longtemps.
La boutique Farine & O
Un pain à la loupe sous toutes ses coutures
Pour évaluer les critères d’un bon pain, il convient déjà selon Florian de définir de quel pain parle-t-on. Pour la tradition par exemple, « il faudra se fier à son bruit » tout d’abord. Elle doit être « croustillante», croustiller sous la paume de la main et donc de toute évidence être « bien cuit ». « Les pains peu cuits donc trop chargés en eau n’ont pas ou peu de croute, ils ne croustillent pas et n’ont pas cette couleur ambrée » nous fait remarquer avec précision le boulanger. Autre élément important, un bon pain à forcément « de belles grignes ». « Les grignes sont ces simples petites entailles faites avec des lames de rasoir avant la cuisson ». Et si elles sont faciles à réaliser, il est moins évident que ces dernières donnent après le crucial passage en cuisson de belles ouvertures croustillantes. « Elles seront minuscules et refermées sur elles-mêmes. » Comment parvenir à obtenir ces belles grignes à coups sûrs ? « Avoir un équilibre eau/ farine parfait et adéquat au pain que l’on réalise ». Cela dépend du type de farine, chez Farine & O, «on est sur une base de 65% de farine pour 1 kilos de pâte » Même si certaines farines sont plus tolérantes que d’autres, c’est en mettant une dose trop importante d’eau que l’on obtient du mauvais pain. Car qui dit beaucoup d’eau dans une pâte dit aussi un plus gros volume, donc avoir la possibilité d’avoir plus de pain dans une fournée. C’est la recette magique de bon nombre de mauvais boulangers et des industriels qui préfèrent charger leur pâte en eau plutôt qu’en farine. Le problème c’est que rien n’est vraiment magique, un surplus d’eau dans une pâte modifie tous les critères de qualité. Goût, mâche, croute, couleur…. Pour une ou deux baguettes de plus par fournée, Florian se verrai très mal vendre des « babouches » comme il les appelle. La babouche selon le boulanger c’est ce pain sans caractère, inutile, qui ne craque pas sous la dent.
A L’intérieur ? une mie de couleur crème, uniforme, alvéolée au maximum et grasse
A l’intérieur, les critères sont différents mais demeurent tout aussi importants. La couleur de la mie doit être « d’un blanc crème uniforme ». « Plus les baguettes sont blanches à l’intérieur est plus cela révèle un pétrissage intensif qui a oxydé la farine qui crée cette couleur blanche ». Le but de se pétrissage intensif ? donner de la vigueur au pain. Cependant selon notre boulanger, si on pétrit la pâte au bon moment, on obtient un pain qui se tient sans difficulté. Le boulanger qui pétri son pâton pendant des heures est donc un mythe ? Oui et non, Florian nous explique qu’être boulanger aujourd’hui et hier n’a rien à voir. « Les avancées technologiques permettent au boulanger de gagner du temps certes mais le savoir-faire et les critères de qualité sont toujours les mêmes » nous assure-t-il. Autre indicateur qui assure un pétrissage respecté, « une mie bien grasse ». « Cet aspect tout juste brillant, ni trop ni pas assez nous assure une mie hydratée comme il se doit ». Enfin, la mie d’une baguette tradition doit être « au maximum alvéolée », contrairement à une baguette blanche que la boulangerie se refuse de faire qui est bien plus « serrée ». ( NLDR. pas ou peu alvéolée)
La tradition à l’épreuve de la découpe
Levain ?
Au niveau du goût, deux écoles s’affrontent. Ceux qui considèrent qu’une baguette doit-être au levain et ce qui au contraire n’en souhaitent pas, pour garantir aux client un pain plus neutre en goût. En effet, le levain est l’ingrédient qui apporte le plus goût au pain. La boulangerie Farine & O utilise du levain liquide dans sa tradition. « le levain liquide va être plus doux alors que le levain dur plus sera plus fort, plus acide. » Ici, on fait des traditions au levain mais dont leur goût est en réalité davantage porté sur la céréale. « Le but est de proposer quelque chose de plutôt neutre mais pas plat non plus car on considère que nos clients ne savent pas forcément ce qu’ils vont manger le soir ». Une tartine de fromage, un plat en sauce, la tradition va avec tout ! « et quand on sent que le client veut aller vers un pain de caractère, on l’oriente vers nos pains plus rustique où le goût du levain sera plus franc ».
« Un boulanger cuit un pain comme il l’aime mais il doit s’adapter à ses clients »
Depuis le début de notre feuilleton, les boulangers sont unanimes, le bon pain doit être bien cuit. Pour Farine & O, le pain est cuit mais l’alternative est possible. « On essaye au plus possible de proposer différentes cuissons dans la tradition. Nous demandons aussi automatiquement à nos clients quel type de cuisson ils souhaitent comme vous pouvez le demander dans un restaurant pour la cuisson de votre viande ». Car le constat est sans appel, les gens aiment le pain blanc. « Malheureusement, la mode des pains de mie et du pain industriel blanc fait que la plupart des clients n’aiment pas ce pain qui croustille » nous confie le boulanger désemparé. Avec son ami le gérant de « East Mama », ce restaurant italien en vogue à deux pas de sa boulangerie, les deux hommes ont constaté une tendance générale qui tend vers le « mou et le tiède », un peu à l’américaine. Le croquant, la mâche n’est malheureusement pas tellement tendance, au grand désarroi des boulangers comme Florian Argoud et Olivier Magne qui militent pour un pain définitivement croustillant. D’autant plus que tout est question de fignolage. Un pain cuit est arrivé à la finalité de ses arômes alors qu’un pain blanc est mauvais pour la santé et sans aucun intérêt gustatif ». Et puis, c’est aussi « le plaisir du boulanger que de faire un beau pain cuit » selon Florian. « C’est pas vraiment l’éclate de faire du pain pour faire du pain, ça doit rester un plaisir avant tout ».
La tourte de Seigle Auvergnate
La recette de la tourte de seigle auvergnate de chez Farine & O
Ingrédients pour un gros pain :
600 grammes de farine de seigle T130
400 grammes de farine de seigle T170
18 grammes de sel
5 grammes de levure fraiche de boulanger
800 grammes de levain dur à se procurer chez son boulanger
950 grammes d’eau à 90°
1/ Incorporer tous les ingrédients dans la cuve de votre batteur sauf la levure et le levain et battez 3 minutes en 1ère vitesse.
2/ Une fois la pâte devenue souple ajouter le levain et la levure et battez 6 minutes en 1ère vitesse. La pâte doit toujours être souple.
3/Amener ou baisser la température de la pâte à 32°.
4/ Laisser pointer (fermenter) votre pain environ 12 heures à 4°.
5/ Sortez votre pâte du frais et laissez-là pauser 1H30 à température ambiante.
6/ Préchauffer votre four à la température maximale (normalement 250°) et enfourner pour 1H de cuisson selon la pièce. Sortez votre pain une fois bien cuit.